Précession
Précession terrestre, variation périodique de l'orientation de l'axe de rotation de la Terre - Crédits: Nasa
L’axe de rotation
terrestre ne pointe pas toujours dans la même direction. Au lieu de se
tenir en position fixe par rapport aux étoiles, il se meut d’une
manière lente mais perpétuelle, décrivant une sorte de mouvement
conique. Ce phénomène, dit la précession, a d’abord été constaté par
Hipparque vers 150 avant notre ère pour, au XVIIIème siècle, être
confirmé par Bradley et La Caille. Il fallait toutefois attendre Isaac
Newton pour enfin connaître l’explication.
Si nous considérons le plan de l’orbite terrestre, l’écliptique, nous
nous apercevons que sa position se distingue de celui de l’équateur -
terrestre ainsi que céleste. C’est que, par rapport à l’écliptique, la
Terre ne se tient pas bien droite. Ainsi, son axe de rotation - la
ligne droite perpendiculaire du plan de l’équateur - et l’axe de
l’écliptique - la ligne droite perpendiculaire du plan d’orbite de
notre planète - forment un angle de 23° 26’. L’équateur, par
conséquent, se trouve partiellement en dessus, partiellement en dessous
du plan de l’écliptique.
Pourtant, cet écart entre les deux axes ne tirerait pas à conséquence
si la Terre était une boule parfaitement ronde. Mais nous savons que,
aplatie aux pôles, elle est plus large à l’équateur, qui est ceint par
une sorte de gonflement, le “bourrelet” équatorial. Ce bourrelet offre
un point d’application excellent à la force de marée exercée par la
Lune et le Soleil - toujours selon le côté du plan de l’écliptique où
il se situe et la position des deux astres. Lune et Soleil forment donc
un couple de force qui pèse sur le bourrelet, tentant de rapprocher
l’équateur du plan de l’orbite terrestre, ce qui transforme la rotation
principalement régulière de la planète en un mouvement de toupie. Cette
agitation se transmet à l’axe de rotation, toujours perpendiculaire du
plan de l’équateur, de la manière que, au lieu d’indiquer toujours le
même endroit dans l’Univers, elle décrit une espèce de cercle qui,
théoriquement, ne se ferme qu’au bout de quelque 25.760 ans. Ce
mouvement est dit précession luni-solaire. Le centre du cercle est
marqué par le pôle écliptique, un point imaginaire dans l’espace situé
sur la ligne de prolongement de l’axe de l’écliptique. Au nord de la
Terre, ce point se trouve plus ou moins au milieu du Dragon, entre les
étoiles Nodus I et II, les objets dzéta et delta de la constellation.
Or, bien que mathématiquement, l’axe de rotation doive retrouver une
position antérieure après un délai de 25.760 ans, le cercle ne s’achève
jamais. C’est que l’inclinaison de l’écliptique sur l’équateur
terrestre n’est pas si stable qu’elle a l’air. Si on parle d’un angle
de 23° 26’ entre le plan de l’écliptique et celui de l’équateur, il ne
s’agit effectivement que d’une valeur moyenne et temporaire, tandis
qu’à long terme, l’écart se balance entre 21° 59’ et 24° 36’ dans un
rythme de 41.000 ans. De nos jours, il est descendant : chaque année,
il diminue de 48’. Cette variation de l’obliquité, due elle aussi à
l’effet de marée, mais cette fois-ci à celui exercé par les autres
planètes sur la Terre, fait également partie de la précession, mais -
pour mieux la distinguer de la précession luni-solaire - on l’appelle
précession planétaire. Elle s’ajoute au phénomène de la précession
luni-solaire, de sorte qu’elle gène l’axe terrestre dans son mouvement
régulier, transformant le cercle qu’il devrait décrire en une spirale
s’élargissant ou diminuant au gré de l’obliquité. Ainsi, il est peu
probable que l’axe, au bout de 25.760 ans, retrouve exactement sa
position antérieure.
Mais la variation de l’obliquité n’est pas le seul trouble dont souffre
l’exécution tranquille du mouvement de la précession luni-solaire. Une
autre perturbation, la nutation, donne à la spirale tracée par l’axe
terrestre des contours plutôt ondoyants. La cause de cette irrégularité
supplémentaire est, comme si souvent, le caractère particulier de
l’orbite lunaire. Après sa découverte, la précession a évidemment
contribué à embrouiller certaines convictions scientifiques. La
première idée à avoir été ébranlée était celle d’une étoile Polaire
éternelle.
Côté hémisphère Nord, le seul astre apparemment immobile est
effectivement la Polaire, l’objet alpha de la Petite Ourse. C’est que
la rotation terrestre donne l’impression que ce n’est pas la Terre qui
tourne autour d’elle-même, mais plutôt la voûte céleste qui est en
mouvement constant. Le centre de ce mouvement est fixé par la Polaire
qui, tel qu’un prolongement imaginaire de l’axe terrestre, n’est située
qu’à environ 0,8° du pôle céleste. Cette position en a fait le repère
nordique principal et le symbole d’une coordonnée solide et fiable. -
Mais non pour longtemps. Car il y a à peine 5000 ans, l’axe terrestre
visait encore l’étoile alpha du Dragon, à l’époque la plus brillante de
la constellation. Aux temps des Vikings, au début du IXème siècle,
c’était l’étoile 32 H de la Girafe qui ne se tenait qu’à 0,5° de la
prolongation imaginaire de l’axe terrestre. Quant à l’avenir, l’astre
au bout du timon du Grand Chariot devrait encore s’approcher du pôle
céleste jusqu’à l’année 2102 - à environ 0,46° - pour s’en éloigner
ensuite. Au cours des millénaires suivants, notre planète sera privée
de tout repère nordique brillant. Vers 10.500, Gienah du Cygne, de
magnitude 2,46, pourra servir comme tel, mais il faudra attendre
jusqu’à vers 14.000 pour que la précession dirige le bout de l’axe de
rotation de nouveau vers une étoile brillante, procurant à la Terre une
autre Polaire remarquable : Véga de la Lyre.
Les équinoxes sont encore plus concernés. L’inclinaison de l’écliptique
sur l’équateur - la situation alors qui produit déjà le phénomène de la
précession - amène les deux plans à se croiser à deux endroits, le
point vernal et l’équinoxe de l’automne. Toutefois, non seulement la
position de l’équateur est loin d’être stable, nous avons aussi
constaté que, sous l’empire de l’obliquité, l’angle formé par les deux
plans est en modification constante, ce qui, par conséquent, pèse
également sur leurs points d’intersection. Ainsi, le point vernal n’est
pas non plus épargné par la perturbation générale : la précession
luni-solaire, celle alors qui est dirigée par l’action du couple
Lune-Soleil sur le bourrelet équatorial, le fait rétrograder de 50” 38’
par an, ce qui signifie que tous les 2140 ans, il pointe vers une autre
constellation du zodiaque. La force, par contre, que les autres
planètes exercent sur la nôtre, la précession planétaire, agit dans le
sens opposé : elle fait avancer le point vernal dans un mouvement
direct de 12’ par an, ce qui diminue la précession luni-solaire à 50”
26’ par an, valeur qui est généralisée en tant que “constante de
précession".