Un pendule est constitué d'un fil qui est attaché à un point fixe et au
bas duquel se trouve une masse relativement importante. Ce pendule
oscille de part et d'autre d'une position d'équilibre qui est la
verticale du lieu. C'est ce qu'on appelle un pendule en physique.
La mise en place du pendule de Foucault est une opération difficile,
mais spectaculaire. Il faut disposer pour l'installer, d'une salle très
haute, parce que le fil doit être très long. La hauteur de la cage de
scène du Manège est de 22 m. Pour que le pendule puisse osciller
longtemps, il faut que le système de suspension soit très perfectionné.
En effet, le point d'accrochage fixe tourne en même temps que
l'ensemble du bâtiment. Le pendule, lui, oscille dans un plan fixe. Le
système de suspension doit éviter les frottements et les phénomènes de
torsion.
Le point d'attache du pendule est un point de la
Terre. Lorsque la
Terre tourne on constate que le plan des oscillations du pendule est
toujours fixe dans l'espace, il ne varie pas. C'est la
Terre qui tourne
sur elle-même par rapport au plan des oscillations du pendule qui est
fixe dans l'espace.
Cette expérience démontre un phénomène très important pour nous,
phénomène dont nous ne nous apercevons même pas. La
Terre tourne sur
elle-même et elle entraîne avec elle tous les objets qu'elle supporte.
Reste maintenant à comprendre comment, en regardant le plan
d'oscillation d'un pendule dévié dans un sens déterminé, nous devons
conclure que c'est nous qui tournons en sens contraire, comment il nous
faut donc corriger par réflexion le témoignage de nos sens pour
appréhender clairement le sens de l'expérience de Foucault et ainsi
regarder tourner le
Terre, en observant battre un pendule, un
pendule-boussole.
Le pendule de
Léon Foucault est sans conteste l'image expérimentale la
plus retentissante du XIXème siècle. On peut, d'ailleurs, être étonné
de la rapidité avec laquelle l'invention de Foucault va se répandre.
Elle sera reproduite tout à tour à Oxford, à Dublin, à New York, à
Rome, à Rio de Janeiro...Est-ce pour la simplicité de son principe ?
Pour le mystère esthétique que cachent les grands battements du pendule
? Pour le sentiment plus pressant et plus vif de notre incessante
mobilité dans l'espace que cet appareil nous apporte ? Vous êtes
invités à venir voir tourner la
Terre... , tels sont les mots, libellés
dans un style un peu surréaliste et profanatoire, dont le physicien
Foucault a pu disposer en 1851 pour dire sa découverte et pour en
rendre visible la démonstration. Un siècle et demi après, l'invitation
de Foucault reste toujours aussi captivante et l'oscillation
révélatrice du pendule garde le même pouvoir de fascination.
Le phénomène se développe avec calme, il est fatal, irrésistible. On
sent, en le voyant naître et grandir, qu'il n'est pas au pouvoir de
l'expérimentateur d'en hâter ni d'en retarder la manifestation... Tout
homme mis en présence du fait, demeure quelques instants pensif et
silencieux, et généralement il se retire, emportant par-devers lui un
sentiment plus pressant et plus vif de notre incessante mobilité dans
l'espace.
Léon Foucault (Démonstration expérimentale du mouvement de
rotation de la
Terre, Journal des débats, 31 mars 1851.)
L'expérience du Panthéon
C'est en 1851 qu'il démontre la rotation de la
Terre : il installe sous
la coupole du Panthéon à Paris un pendule de 28 kg suspendu à un fil
d'acier de 67 m.
Tout est en place. Il est tard, et l'appareil est au repos. Courbe de
la haute coupole et tombe le fil fortement écroui, rond, homogène. Fil
qui retient la sphère. Elle est de laiton, rodée et polie, martelée
enfin pour que le centre de gravité soit dans une exacte coïncidence
avec le centre de figure. Car rien n'est au hasard dans cette
installation méticuleuse. Lequel d'entre eux, est-ce Froment, est-ce
Foucault, et à quelle heure, a-t-il saisi la sphère pour l'amarrer vers
un bord de la grande circonférence, cercle queue balaiera plus tard de
ses oscillations isochrones ? Lequel d'entre eux a noué cette boucle de
fil organique qui retient, au repos, la boule de 28 kilos. Fil qui sera
brûlé demain et dont la ténacité venant à faire défaut laissera alors
le pendule obéir à la force de gravité. A-t-il eu un sifflement dans
son battement, ce grand appareil, lorsqu'il fut essayé, et quel
mouvement sifflant le fil a-t-il connu lorsqu'il s'est rompu dans les
jours des préparatifs ? La flamme d'une allumette, demain, donnera le
départ. Départ d'une preuve recherchée par la science des hommes.
Flamme qui conduit à une autre flamme dont on peu se souvenir.
16 février 1600, sur une place de Rome, Campo dei Fiori, Giordano
Bruno, le Nolain, brûle. Il brûle, car sur le sujet de la rotation de
la
Terre, de son mobilisme, devant ses juges, le 21 décembre 1959, il a
dit : Je ne veux pas me repentir, et il n'y a pas à se repentir. Il n'y
a pas de matière sur laquelle se repentir, et j'ignore sur quoi je dois
me repentir. Crime de l'orthodoxie, passions de l'idéologie. La
Terre
qui tourne et qui bouge tourne la tête des hommes et les amène à
cruauté. Mais voici, après le passage de quelques siècles essentiels,
voici maintenant la démonstration, sous la coupole du Panthéon, donnée
aux yeux de tous, par la permanence du plan d'oscillation de
l'appareil, un immense pendule se construit par l'effronterie
expérimentale de Jean Bernard
Léon Foucault.
La réconciliation de la science et de la religion
On connaît l'anticléricalisme du XIXème siècle. Le succès du pendule,
la diffusion de cette expérience, sont peut-être liés à sa portée
anticléricale. Ce n'est là qu'une hypothèse, mais, étant donné la
violence des oppositions entre le parti laïque et le parti catholique,
le pendule a évidemment revêtu une dimension symbolique. Il rappelle
l'entêtement dogmatique d'une Eglise qui avait puni lourdement les
promoteurs du nouvel ordre astronomique. Souvenez-vous de Giordano
Bruno et de Galilée : c'est l'un des messages du pendule. Il ne délivre
pas seulement une information scientifique, il est aussi un instrument
idéologique. Pareillement, après la révolution de 1917, en Union
Soviétique, son installation s'inscrit manifestement dans une politique
de propagande et sert d'argument contre les moines et les papes, qui,
se fondant sur l'épisode biblique où Josué arrête la course du Soleil,
prétendaient encore que c'est ce dernier qui tourne autour de la
Terre.
Les grands bastions de la chrétienté orthodoxe ont vu son installation.
Ainsi Saint-Isaac, à Saint Pétersbourg. La grande cathédrale, dernier
haut lieu de la tradition tsariste a connu la preuve de Foucault et
possède encore aujourd'hui un pendule accroché à sa nef.