Des témoins de l'origine du système solaire
Deux observations, à elles seules, font des météorites des roches
uniques en leur genre. La première concerne leur âge: environ 4
milliards 560 millions d'années, ce qui en fait les plus vieilles
pierres que l'on ait datées jusqu'à présent. La seconde observation a
trait à leur composition chimique: à peu près 85 p. cent des météorites
ont une composition proche de celle que les astronomes ont mesurée pour
le
Soleil (exception faite des gaz comme l'hydrogène et l'hélium qui,
abondants dans le
Soleil, sont rares dans une roche). Cette observation
suggère donc une origine commune aux météorites et au
Soleil.
Or, le
Soleil représente à lui seul 99,8 p. cent de la masse totale du
système solaire. Sa composition chimique doit être, par conséquent,
voisine de celle du nuage primaire de gaz et de poussières à partir
duquel le
système solaire s'est formé. Comme les météorites ont une
composition chimique comparable à celle du
Soleil (ou du nuage
primaire) et que ce sont les plus vieilles roches connues, il apparaît
donc raisonnable de penser qu'elles sont des échantillons du matériel
brut et primitif à partir duquel des
planètes comme la
Terre se sont
formées.
Ces météorites de composition quasi solaire sont appelées des
chondrites. Elles tirent leur nom du fait qu'elles sont composées entre
autres de petites billes rocheuses (pas plus grosses qu'un petit pois)
que l'on nomme chondres. Aucune roche
terrestre ne possède cette
particularité et le processus de formation des chondres est donc à
chercher là où les météorites se sont formées, c'est-à-dire dans
l'
espace.
Malgré le vif débat qui entoure encore aujourd'hui le mécanisme exact
de la formation des chondres, les scientifiques s'accordent pour dire
qu'ils se sont formés à la suite de la fonte et du refroidissement
rapide et parfois incomplet d'agrégats de minéraux qui formaient le
nuage de poussières primaire. Poussières minérales et chondres seraient
ainsi parmi les premiers matériaux à s'être solidifiés dans le
système solaire. Sous l'effet de la gravité, ils se seraient petit à petit
agglomérés, assemblés les uns avec les autres, pour finalement donner
de petites
planètes, ou planétoïdes, de composition chondritique.
Petite recette pour fabriquer de grosses planètes
Une
planète de dimension moyenne comme la
Terre possède une structure
comparable à celle d'un oeuf dur. La coquille correspond à la croûte;
le blanc, au manteau sous-jacent; et le jaune, au noyau. Cette
structure a pu être mise en évidence grâce à l'étude des tremblements
de
Terre, dont les ondes peuvent traverser le globe
terrestre,
<<radiographiant>> ainsi son intérieur.
La composition chimique de la croûte est assez bien connue. Celle du
manteau a été déterminée grâce à des fragments de manteau transportés à
la surface de la
Terre par les magmas des volcans qui agissent comme
des foreuses naturelles. La composition du noyau
terrestre a, pour sa
part, été précisée en 1961 par l'Américain Francis Birch. Reproduisant
en laboratoire les conditions de très hautes pression et température
régnant au centre de la
Terre, celui-ci découvrit que l'élément
chimique qui expliquait le mieux la vitesse de propagation des ondes
sismiques dans le noyau était le fer. Avec ces données, les géologues
ont vite essayé de vérifier s'ils pouvaient, à partir d'une chondrite,
reproduire la structure et la composition chimique de notre
planète
afin de tester le modèle chondritique. La réponse ne se fit pas
attendre: oui!
Prenons une chondrite, broyons-la et, avec un aimant, séparons-en la
poussière de fer des autres minéraux. L'analyse de ces derniers montre
qu'ils ont une composition chimique similaire à celle des roches du
manteau
terrestre. De plus, la proportion entre le fer extrait et les
autres minéraux correspond à celle observée entre le noyau de fer et le
manteau rocheux de la
Terre! Le modèle chondritique se confirmerait
donc. Lors de la formation du
système solaire, le matériel chondritique
s'est suffisamment aggloméré à certains endroits pour former des
planétoïdes; ces derniers étaient assez gros et chauds pour que le fer,
très dense, se concentre en un noyau au centre, sous l'effet de la
gravité, laissant autour de lui un manteau rocheux et, en surface, une
croûte mince également rocheuse.
Ce scénario d'apparence simpliste est en fait très solide, car il est
corroboré par des témoins de la formation du
système solaire que nous
avons jusqu'à présent négligés, à savoir les quelque 15 p. cent de
météorites ayant une composition chimique différente de celle du
Soleil. Ces météorites se répartissent en trois groupes dont la
composition reflète justement celle d'un noyau, d'un manteau en
formation et de la croûte d'une
planète! Ce sont respectivement les
fers ou sidérites (formés principalement d'un alliage de fer et de
nickel), les fers pierreux ou sidérolithes (formés de minéraux
enveloppés d'un alliage de fer et de nickel) et les achondrites (formés
de minéraux et ne possédant pas de chondres). Les achondrites montrent
des traces de fusion évoquant les phénomènes volcaniques que l'on
retrouve à la surface de la
Terre. La seule différence réside dans le
fait que la fusion dans les achondrites date du début de la formation
du
système solaire, tandis que le volcanisme
terrestre se poursuit
toujours!
Dans cette perspective, les météorites apparaissent comme des fragments
de planétoïdes éclatés qui ont survécu à un long voyage à travers le
temps et l'
espace pour nous livrer l'enregistrement des diverses étapes
de la construction des
planètes. Étant une chondrite, la météorite de
Saint-Robert provient donc probablement d'un planétoïde qui ne s'est
pas séparé en noyau, manteau et croûte, faute de chaleur ou de temps
pour le faire. Par contre, sa composition minéralogique et chimique, de
même que l'observation microscopique de ses chondres et minéraux,
montre que ceux-ci ont réagi chimiquement les uns avec les autres.
Cela suggère que le planétoïde à l'origine de la météorite de
Saint-Robert a néanmoins subi un léger réchauffement, le préparant
peut-être à se séparer en noyau, manteau et croûte. Pour des raisons
encore mal comprises, il s'est ensuite cassé en morceaux. Un de ces
fragments a récemment croisé l'orbite de la
Terre pour s'écraser près
de Saint-Robert. Mais d'où, dans le cosmos, ce fragment provient-il?
Un visiteur venu de loin
En s'éloignant progressivement du
Soleil, la première
planète que l'on
rencontre est
Mercure, suivie de
Vénus, de la
Terre, de
Mars et de
Jupiter. Entre
Mars et
Jupiter se trouvent une multitude de corps
rocheux de tailles variables formant une
ceinture autour du
Soleil: ce
sont les astéroïdes. Le plus gros, Cérès, a 933 km de diamètre, les
plus petits ont la taille de poussières. Or, la chute de quelques
météorites sur
Terre a pu être photographiée de différents endroits
simultanément. Leurs trajectoires autour du
Soleil ont pu ainsi être
mesurées avec précision. Elles croisent toutes l'orbite de la
ceinture
d'astéroïdes. De plus, ces météorites sont toutes des chondrites, comme
celle de Saint-Robert! Celle-ci proviendrait donc vraisemblablement
d'un astéroïde. Ce dernier s'est probablement éjecté de la ceinture
d'astéroïdes par suite d'une collision avec un autre astéroïde ou aidé
par la force de gravité de
Jupiter, la
planète géante.
Des géologues ont montré qu'il faut non pas une seule
planète, mais au
moins cinq planétoïdes (et jusqu'à plus de 70, selon certains
scientifiques) pour expliquer les variations chimiques observées parmi
toutes les météorites répertoriées. Ces planétoïdes n'auraient pas
réussi à s'agglomérer en une
planète unique à cause de la force de
gravité de
Jupiter. Mentionnons également que la
ceinture d'astéroïdes
n'est pas la seule source connue de météorites. Quelques-unes seraient
des fragments de roche arrachés à la surface de la
Lune ou de
Mars à la
suite d'une collision de météorites géantes, d'astéroïdes ou de comètes
avec ces
planètes. D'autres météorites, enfin, sont soupçonnées d'être
des débris de comètes.