L'
oeil est plein de
vertus, et le système visuel est un remarquable analyste, mais un des
défauts de cet organe est qu'il n'est pas très rapide pour enregistrer
les images. Ceci est du à l'utilisation de réactions chimiques, dont la
vitesse est limitée. On considère en général que l'on ne peut pas
distinguer plus de dix images par seconde. Quand nous regardons passer
un oiseau, c'est le cerveau, toujours lui, qui se charge de transformer
le flot d'images plus ou moins nettes en une sensation de mouvement
bien régulier.
En 1832, le physicien belge Plateau a eu l'idée, pour étudier la
perception du mouvement chez l'homme, de présenter à l'
oeil d'une
personne une succession régulière d'images fixes toutes légèrement
différentes. Par exemple la décomposition dessinée du galop d'un
cheval. En déroulant cette séquence plus ou moins vite, on peut savoir
à partir de quel moment notre système visuel ne voit plus une suite
d'images fixes, mais un mouvement continu. L'appareil qu'il a imaginé
pour cela est le Phénakistiscope, que l'on voit sur l'image, et qui est
assez facile à réaliser. Un tambour est percé sur la moitié de sa
hauteur de fentes régulièrement espacées. A l'intérieur, sous les
fentes, on installe une bande de papier où des figurines successives
décomposent un mouvement. On fait ensuite tourner rapidement le tambour
en mettant l'
oeil près de la partie supérieure fendue pour regarder la
bande dessinée à travers les fentes. On voit alors le mouvement continu
reconstitué. Si l'on a exactement autant de fentes que de dessins,
ceux-ci sont animés, mais dans une position fixe. S'il y a plus ou
moins de dessins que de fentes, ils semblent de plus avancer ou reculer
sur la paroi intérieure du tambour. L'appareil a été longtemps un
ornement des cabinets de physique et aussi un jouet scientifique à la
mode. Si on se satisfait d'une qualité de rendu plus modeste, on peut
aussi tout simplement dessiner la séquence sur les feuilles successives
d'un carnet, et feuilleter très rapidement le carnet : l'illusion du
mouvement est bien présente...
Un film n'est donc pas autre chose qu'une suite d'images fixes prises à
des intervalles de temps très courts (une image toutes les 40
millisecondes, soit 25 images par seconde). Quand plus tard on les
projette à la même cadence, notre système visuel ne peut pas voir
séparément des images en succession aussi rapide, et le cerveau
interprète cela comme un mouvement continu, ce qui est le but
recherché...