L'utilisation complète
de l'information véhiculée par la
lumière (intensité, formes, couleur,
mouvement) n'est possible que pour les organismes dotés de cet organe
prodigieux qu'est l'oeil. Il est constitué d'un dispositif optique
chargé de former une image de la scène qui se trouve en face de lui,
couplé à un dispositif chimique capable d'enregistrer cette image. Ceci
ne serait rien s'il n'était suivi d'un dispositif électro-chimique
capable de traiter l'information enregistrée, en l'occurrence le
système nerveux et le cerveau; ce dernier sujet, nous ne ferons que
l'effleurer malgré son extrême importance, pour nous concentrer sur le
récepteur lui-même. Et pourtant... Tournez autour d'un objet : l'image
que vous voyez change sans cesse, et pourtant la conception que vous en
avez, elle, ne varie pas. Penchez la tête à gauche : le monde ne vous
semble pas brusquement penché à droite. Fermez un oeil : le monde ne
change toujours pas, et vous continuez à le "voir" en relief. Tout ceci
nous semble naturel, aller de soi; mais il y derrière tout cela un
formidable traitement de l'information, dont on sait encore peu de
chose... Il y aurait là matière à un cours passionnant, mais ce n'est
pas celui de cette année! Revenons donc, modestement, à notre oeil, cet
l'objet sphérique que chacun connaît, et qui est formé des ensembles
suivants :
- Une partie avant transparente (cornée, humeur aqueuse,
cristallin) chargée de former l'image de la scène observée sur le fond
de l'oeil. Pour cela, une lentille variable, le cristallin, adapte sa
courbure sous le contrôle du cerveau jusqu'à ce que l'image soit nette
sur la rétine. Un diaphragme, l'iris, laisse en son centre une
ouverture variable, la pupille, qui permet de contrôler la quantité de lumière qui rentre dans l'oeil, évitant l'éblouissement, et assurant
une finesse optimale de l'image; c'est, toujours, le cerveau qui juge
et commande cela. Il est facile de voir l'iris en action : observez de
près votre oeil dans un miroir, dans une pièce sombre; la pupille est
alors largement ouverte (7mm de diamètre au maximum chez un sujet
jeune). Sans bouger, dirigez ensuite le faisceau d'une lampe de poche
sur votre visage, ou bien éclairez brillamment la pièce, et vous verrez
votre iris se contracter instantanément et réduire la taille de la
pupille pour éviter l'éblouissement, mais aussi pour profiter de cet
afflux de lumière pour améliorer la qualité de l'image rétinienne (car
plus la pupille est ouverte, moins les images projetées sur le fond de
l'oeil sont de bonne qualité).
- Un remplissage par un milieu transparent permettant au
globe oculaire de conserver sa forme sphérique : l'humeur vitreuse.
- Une membrane photo-sensible, la rétine, située au fond de
l'oeil. Dans cette membrane, des organes spécialisés (cônes et
bâtonnets) détectent l'intensité (pour les bâtonnets) ou à la fois
l'intensité et la couleur (pour les cônes) de la lumière. La lumière a
sur eux un effet chimique: certaines molécules instables sont
perturbées par la lumière, et se réarrangent différemment quand elles
sont illuminées. Des charges électriques précédemment fixées dans ces
molécules sont ainsi libérées, et ceci produit un influx nerveux
acheminé jusqu'au cerveau par le nerf optique qui sort de l'oeil dans
sa partie arrière.
- Les deux nerfs optiques aboutissent finalement dans les
centres de la vision, situés à la base arrière du cerveau. Celui-ci
dispose ainsi d'une sorte de carte des intensités et des couleurs dans
l'image formée sur la rétine, et donc dans la scène observée. Cette
image est relativement grossière, mais le cerveau, qui dispose de
capacités d'analyse et de synthèse incomparables, reconstruit une image
fine, tridimensionnelle et animée à partir de la succession d'images
fixes et sans épaisseur que lui donnent les deux yeux. Redisons encore
que la puissance de reconstruction d'images du cerveau est
extraordinaire, sa capacité à détecter les mouvements, à reconstruire
le relief, à adapter la résolution de l'image (sa finesse) à l'intérêt
qu'elle présente, sont largement incomprises; tout un pan de ce qu'on
appelle bien pompeusement l'intelligence artificielle tente d'en
comprendre les mécanismes; des robots capables de telles performances
seraient d'un secours extrême dans toutes les situations où l'on ne
peut placer un homme : espace, milieux dangereux où on ne mettrait même
pas un immigré, tâches répétitives en milieu industriel pour lesquelles
le SMIC lui-même semble excessif, etc...).
La rétine n'est pas uniforme, et la "tache jaune" située dans l'axe de
l'oeil est optimisée pour donner les images les plus fines possibles,
avec le maximum de discrimination des couleurs. Ceci est bien, car
c'est là que se porte l'attention de la personne. Pour cela, cette
région est très riches en cellules "cônes". Au contraire, les régions
périphériques, sont plus spécialement constituées de bâtonnets, très
adaptés à la détection des faibles
lumières, et pas à la vison des
couleurs. Ceci explique pourquoi on peut voir en vision latérale des
sources lumineuses faibles (des étoiles par exemple) que l'on ne
discerne plus dès qu'on tente de les fixer.
A l'inverse, là où les terminaisons nerveuses des cônes et des
bâtonnets se regroupent pour constituer le nerf optique se trouve un
endroit de la rétine où il n'y a aucune cellule photo-sensible : c'est
le point aveugle de la rétine. Il est facile à mettre en évidence, par
exemple sur l'œil droit. Il se trouve légèrement à gauche de la tache
jaune, c'est à dire du centre de la rétine. Prenez une feuille de
papier, sur laquelle vous marquez deux symboles : un gros point blanc
et une croix blanche, sur une même ligne horizontale, espacés d'une
dizaine de centimètres, le point sur la gauche; vous pouvez vous servir
des symboles qui sont présentés ci-dessous sur l'écran, pour une
première expérience.
L'oeil est mobile dans son orbite, et sa position est contrôlée par six
muscles implantés dans la sclérotique : deux contrôlent les mouvement
latéraux, deux les mouvements verticaux, et les deux derniers assurent
le maintien en rotation.