La découverte des galaxies
Depuis 1610 et les observations de Galilée, on sait que la
Voie lactée
qui barre le ciel nocturne est formée de milliers d'
étoiles faibles,
que notre vision ne parvient pas à séparer. L'absence de mouvement
apparent (en première approximation) de ces astres pendant le
déplacement de la
Terre sur son orbite a depuis longtemps fait
comprendre que ces
étoiles sont très loin de nous, et donc que cet
agrégat d'
étoiles où nous nous trouvons immergés est de très grandes
dimensions. C'est en 1913 que Shapley, en mesurant les
distances de
groupes particuliers d'
étoiles, les
amas globulaires, montre que le
centre de notre
Voie lactée est à plus de vingt mille années-lumière de
nous, dans la direction du Sagittaire. Après cette
découverte de Shapley, une nouvelle fois, nous étions
délogés du centre de l'univers...
Mais qu'en est-il des nébuleuses, ces taches floues que l'on observe un
peu partout entre les
étoiles ? On avait bien remarqué qu'on les
observait en plus grand nombre hors de la
Voie lactée, ce qui supposait
plutôt une nature extragalactique, mais la communauté astronomique
restait très divisée par ce problème; on avait même baptisé cela le
grand débat ! Shapley, par exemple, était un tenant de la nature
galactique, et donc de la proximité, des nébuleuses.
Petit à petit la situation va s'éclairer, et vers 1925-1930, grâce aux
travaux de Hubble et Humason qui utilisent le nouveau télescope géant
de 2,5m du Mont Wilson, on comprend qu'il y a trois types de nébuleuses
:
Certaines sont plus ou moins circulaires, on les appelle nébuleuses
planétaires pour cette raison. Ce sont en fait des bulles de gaz
géantes que soufflent autour d'elles des
étoiles agonisantes; elles
sont situées dans notre
Voie lactée, à quelques milliers
d'années-lumière tout au plus.
D'autres ont un aspect cotonneux plus ou moins irrégulier. Ce sont des
nébuleuses gazeuses flottant entre les
étoiles de notre galaxie. Leurs
distances sont du même ordre que celles de la classe précédente.
Les dernières sont ovoïdes ou spiralées, et sont des nébuleuses
extragalactiques, autres galaxies situées bien au-delà des limites de
notre
Voie lactée. Leurs
distances se comptent en centaines de
milliers, en millions, voire en milliards d'années-lumière. Leur nombre
est immense, elles remplissent tout l'univers jusqu'aux limites de nos
observations. Trois sont aisément visibles à l'
oeil nu : la Grande
Nébuleuse d’Andromède visible au printemps sous nos latitudes, et les
deux nuages de Magellan, ainsi nommés en hommage au navigateur
portugais; ces derniers ne sont visibles que depuis l'hémisphère Sud.
La classification de Hubble
Hubble
a proposé une classification "en fourche" qui distingue quatre types
morphologiques de galaxies : elliptiques, spirales, spirales barrées,
irrégulières. Cette classification n'est en aucun cas liée à une idée
de séquence évolutive : les galaxies ne naissent pas toutes elliptiques
pour devenir spirales, ou le contraire. D'ailleurs, on trouve de très
vieilles
étoiles (âgées de plus de douze milliards d'années) dans tous
les types de galaxies.
Les galaxies elliptiques
Elles sont souvent petites et de faible luminosité, contenant quelques
10
9 ou 10
10 étoiles; mais il en existe de -rares- super géantes, contenant jusqu'à
1013
étoiles. Elles sont classées de E0 à E7, en fonction de
l'aplatissement apparent de leur ellipsoïde. L'aplatissement n'est pas
dû à une rotation d'ensemble, mais à l'arrangement des orbites
individuelles des
étoiles; une galaxie elliptique peut être triaxiale
(les trois axes de l'ellipsoïde sont différents).
Les quatre caractéristiques des galaxies elliptiques sont :
- L'absence de structure spirale.
- Une dispersion des vitesses élevée : les orbites sont "dans
tous les sens", avec toutes les ellipticités.
- Très peu de poussière et de gaz entre les étoiles.
- En
conséquence, pas de formation de nouvelles étoiles, pas d'étoiles
jeunes, pas de supernovae. C'est pourquoi on dit souvent que les
galaxies elliptiques sont peuplées de vieilles étoiles.
Les galaxies spirales
Elles
sont classées en fonction des développements relatifs du bulbe central
et du disque où se trouvent les bras spiraux. Une galaxie à très gros
bulbe et bras enroulés très serrés, à peine visibles, sera une Sa; une
galaxie au bulbe minuscule et aux bras complexes, très déroulés, sera
une Sd. On distingue aussi les spirales normales, où les bras partent
des régions les plus centrales, des spirales barrées, où les bras
partent des extrémités d'une barre lumineuse qui traverse le bulbe; ces
dernières sont classées SBa à SBd.
Il est à noter que les
spirales barrées, considérées au début comme des curiosités,
apparaissent aujourd'hui comme des galaxies tout à fait ordinaires, la
barre étant peut-être un phénomène transitoire par lequel passeraient
plus ou moins brièvement la plupart des galaxies, éventuellement de
façon récurrente. Cette structure semble être un moyen puissant de
transférer de la masse vers les régions centrales, et, à ce titre, est
peut-être liée aux phénomènes de noyau actif dont nous parlerons plus
loin.
Beaucoup de spirales sont très lumineuses, contenant jusqu'à 10
11
ou 2.10
11 étoiles. C'est le cas de notre galaxie, comme celui de la
Galaxie d’Andromède. Il existe aussi des galaxies S0 et SB0, qui présentent un
bulbe, un disque, éventuellement une barre, mais pas de bras. On les
appelle galaxies lenticulaires, et elles se situent, dans la séquence
de Hubble, à la jonction elliptiques/spirales.
Les quatre caractéristiques des galaxies spirales sont les suivantes :
- Une structure spirale plus ou moins apparente.
- Une rotation d'ensemble qui domine nettement la dispersion
des vitesses individuelles.
- Un peu ou beaucoup de poussière et de gaz entre les étoiles.
- En
conséquence, formation de nouvelles étoiles. Population d'étoiles
jeunes, chaudes ("bleues") et massives dans les bras spiraux; supernovae.
Les galaxies irrégulières
Elles ne
présentent pas de structure particulière, les
étoiles y sont groupés en
paquets répartis aléatoirement. Elles sont ou non riches en poussières
et en gaz, et présentent ou pas des sursauts de formation d'
étoiles. Ce
sont en général de petites galaxies, faiblement lumineuses, contenant
de quelques 10
7 à quelques 10
9 étoiles. Elles ne
sont donc détectées qu'à faible
distance de nous, bien qu'elles
constituent peut-être une population numériquement très importante de
l'univers. Notre
Voie lactée a parmi ses satellites deux galaxies
irrégulières : les nuages de Magellan; notons que le Grand Nuage de
Magellan est parfois classé comme une très petite SB...
La distance des galaxies
On
retrouve pour les galaxies le problème que l'on a rencontré pour les
étoiles : l'aspect d'une galaxie dans nos télescopes dépend à la fois
de ses caractéristiques intrinsèques et de sa
distance. Il est donc
important de connaître cette dernière pour pouvoir passer des données
apparentes aux données intrinsèques.
On ne peut plus, pour les
galaxies, utiliser les méthodes trigonométriques : les
distances sont
trop énormes, la longueur de notre base (le diamètre de l'orbite
terrestre) devient négligeable. Il existe de nombreuses méthodes pour
estimer la
distance d'une galaxie. Les deux plus employées sont les
suivantes :
- Les méthodes photométriques, dites de
chandelle standard : on observe un objet dont on pense connaître
l'éclat réel; la comparaison avec son éclat apparent, qui diminue comme
l'inverse du carré de la distance, permet alors de déterminer cette distance. Les astronomes travaillent en magnitudes, et dans ce système,
la relation fondamentale est la relation du module de distance qui
relie la magnitude apparente m, la magnitude absolue M (celle qu'aurait
l'objet s'il était à une distance standard de 10 parsecs), et la distance r de l'objet : m - M = -5 + 5 log(r). Rappelons que les magnitudes sont définies par la règle m1-m2 = -2,5 log (L1/L2) qui
donne la différence de magnitude de deux astres dont le rapport des
éclats est connu, et par la définition d'un zéro arbitraire. Un écart
de 5 magnitudes correspond ainsi à un rapport des flux de 100. La magnitude apparente du Soleil est de -26,7 et sa magnitude absolue de
4,6. Toutes ces méthodes doivent tenir compte soigneusement des
diverses causes possibles d'affaiblissement de la lumière au cours de
son trajet, cela va sans dire; c'est souvent difficile. Parmi ces
facteurs, on peut citer :
La relation période-luminosité
des céphéides
Les
céphéides sont des
étoiles géantes pulsantes dont l'éclat varie
périodiquement; il existe une relation entre la période P de ces
pulsations et la luminosité absolue L de l'
étoile à son maximum. Cette
relation d'une importance fondamentale a été découverte en 1912 par
Henrietta Leavitt. Pour les céphéides de type I (car il existe
plusieurs types), par exemple : L(Lsoleil) = 400 P. Quand on détecte
une céphéide dans une galaxie, ce qui se fait en étudiant la forme de
sa courbe de
lumière, il suffit donc de chronométrer ses variations
pour obtenir une estimation de son éclat réel. On le compare à son
éclat apparent, ce qui donne sa
distance, et donc celle de la galaxie
dans laquelle elle se trouve. La méthode fonctionne jusqu'à une
quinzaine de Mpc.
Les étoiles les plus
lumineuses et les supernovae
On
considère que les
étoiles super géantes les plus lumineuses ont une
certaine
magnitude absolue qui est une constante universelle. On a
aussi quelques raisons de penser que les
supernovae de type I, celles
qui naissent dans les
étoiles doubles, ont une
magnitude absolue
constante. Ceci fournit donc deux types de chandelles standard très
lumineuses, détectables dans des galaxies assez lointaines où les
céphéides ne le sont plus, et la méthode peut être appliquée jusqu'à
une centaine de Mpc.
Les galaxies les plus
lumineuses
On
peut supposer que les galaxies les plus brillantes d'un
amas lointain
ont une
magnitude qui est toujours la même, et s'en servir de chandelle
standard. En fait, pour ne pas se faire tromper par un monstre, on
considère en général non pas la plus brillante, mais la troisième
galaxie dans l'ordre des éclats apparents; l'incertitude finale est
quand même non négligeable... Mais on atteint ainsi 3 ou 4000 Mpc.
- Les
méthodes utilisant la largeur des raies spectrales. L'idée est que les
mouvements des étoiles dans une galaxie sont d'autant plus rapides que
la galaxie est plus massive. En effet, dans le puits de potentiel plus
abrupt creusé dans la structure de l'espace par une masse plus grande,
les étoiles en orbite autour de ce puits ne sont en équilibre qu'au
prix de vitesses plus importantes. Ceci se voit simplement en
considérant l'équation qui donne la vitesse instantanée v d'une étoile
de masse m sur une orbite circulaire de rayon r autour d'une galaxie de
masse M : v2 = G (m+M)/r. Comme
m<<M, on peut écrire M = rv2/G, ce
qui montre bien qu'en principe la connaissance de v donne celle accès à
celle de M.
Vu de la Terre, le détail des mouvements est inaccessible, et les raies
spectrales des étoiles qui s'approchent de nous (décalées vers le bleu)
se mélangent aux raies des étoiles qui s'éloignent de nous (décalées
vers le rouge). Le résultat final est un simple élargissement de la
raie globale, d'autant plus important que les vitesses, et donc la
masse, sont grandes.Si, comme on peut le penser, la masse est elle-même
corrélée positivement à la luminosité (les galaxies les plus massives
sont les plus lumineuses), alors la largeur des raies spectrales est un
traceur de la luminosité intrinsèque des galaxies. La relation de
Faber-Jackson pour les galaxies elliptiques relie ainsi la dispersion
des vitesses (l'étalement des écarts de vitesse dus aux mouvement
individuels des étoiles) dans les régions centrales à la luminosité de
la galaxie, exprimée en unités de L* = 1010
luminosités solaires, on utilise ensuite une relation qui donne la
masse M comprise dans le diamètre. Il
existe une relation du même genre pour les galaxies spirales : la
relation de Tully-Fisher, qui relie la vitesse de rotation du disque
d'une galaxie spirale et la luminosité totale. La vitesse de rotation
du disque est cette fois estimée à partir de la largeur de la raie
radio à 21cm émise par le gaz hydrogène neutre qui flotte entre les étoiles. Les distances mesurées vont de 30kpc (105
A.-L.) pour les petits satellites de notre Voie lactée à plus de 3000
Mpc
La masse des galaxies
Celle-ci
s'évalue en étudiant les mouvements orbitaux des
étoiles ou du gaz qui
les composent, comme on l'a vu au chapitre précédent, en utilisant la
relation M = v
2 r / G. On peut déterminer la
masse globale,
mais plus finement, on peut étudier M = M(r), en étudiant tout d'abord
v = v(r), la courbe de rotation de la galaxie; celle-ci réserve des
surprises...
Comme la quantité d'
étoiles et de gaz présente dans
la sphère de rayon r n'augmente plus quand on atteint les limites
visibles de la galaxie, on s'attend à ce que les courbes de rotation
des spirales, par exemple, retombent quand on est à très grand r : à
grande
distance de la masse M, une faible vitesse orbitale v suffit à
assurer l'équilibre. Il n'en est rien : les courbes de rotation de
beaucoup de spirales ne montrent pas cette décroissance, mais restent
au contraire à v = cste pour des
étoiles à grande
distance du centre,
comme si la masse M(r) continuait à augmenter au-delà des limites
visibles de la galaxie ! C'est pourquoi on est amené à invoquer la
présence de masse noire dans ces objets.
De la même façon, dans
les elliptiques, l'agitation est parfois si grande qu'on doit supposer
l'existence de masse noire pour conserver la cohésion de la galaxie.
Les masses de matière visible (
étoiles, gaz) que l'on mesure ainsi vont
de quelques 10
7 à quelques 10
13
masses solaires. La masse de
matière noire éventuelle serait de 4 à 10
fois plus importante...